Franck JOURDAIN.
Publié le
Ce matin, Sébastien Brishoual chemine vers ses bâtiments d’engraissement dans son élevage situé à Tréméven, près de Quimperlé. Il sait que des animaux ont un coup de moins bien. Au petit-déjeuner, le système d’intelligence artificielle TellCozy l’a alerté de la dégradation de l’ambiance. La caméra à 360 ° de la salle numéro 1 a observé dans la nuit le comportement anormal des porcs. Ils étaient regroupés près d’une paroi alors qu’ils auraient dû être couchés un peu partout dans la salle. Une situation dégradée confirmée par les capteurs de température, d’hygrométrie, de teneur en ammoniac (NH3) et de gaz carbonique (CO2). TellCozy l’a donc signalé à l’éleveur. Sans doute le signe d’une ventilation déréglée. Dans la minute, Sébastien Brishoual y a remédié.
« Il n’y a plus de mortalité ni de médication »
Cette situation fictive représente ce qu’une intelligence artificielle peut apporter en élevage. Jusqu’à présent, l’éleveur en multiplication constatait surtout des conséquences : un gain moyen quotidien (GMQ) en baisse, plus de mortalité, etc. Depuis quelques mois qu’il expérimente le système TellCozy dans ses six salles d’engraissement, Sébastien Brishoual a pris conscience de l’intérêt de cet outil d’aide à la décision. Sur son ordinateur et sur son smartphone, le système l’informe en continu des mesures d’humidité, de température, de NH3 et de CO2 avec trois couleurs d’alerte : vert (tout va bien), orange (attention) et rouge (intervention). L’ambiance est contrôlée, le bien-être des animaux et des salariés préservé, et les résultats économiques suivent. Le GMQ est passé de 850-900 grammes à 1,2 kg, il n’y a plus de mortalité ni de médication
, se réjouit l’éleveur.
Même si, précise-t-il en substance, le but d’un éleveur en multiplication est de produire avant tout des femelles qui iront peupler des élevages en production, et non pas des porcs charcutiers les mieux conformés. Après sept ans de diagnostics numériques de ventilation (1 000) réalisés principalement en élevage par sa première société (Tell Élevage, Saint-Évarzec), l’inventeur de TellCozy, Jean-Luc Martin a voulu aller plus loin avec l’intelligence artificielle. Il rachète dans un premier temps les actifs de la société Copeeks pour son savoir-faire en analyse comportementale des animaux par vidéo. Puis développe une solution d’intelligence artificielle nourrie d’informations croisées fournies par les capteurs et les images de la caméra infrarouge de la salle : une photo toutes les 5 minutes, une vidéo de 15 secondes toutes les 15 minutes, de jour comme de nuit.
L’algorithme de TellCozy (Innov’Space 1 étoile 2025) fournit un indicateur de répartition spatiale (IRS) en temps réel qui n’est rien de moins qu’un indicateur de bien-être des animaux
, souligne Jean-Luc Martin. Il produit des courbes de référence, permet de comparer des lots entre des lots et des bâtiments. Et il n’est pas fermé : l’éleveur peut y ajouter des informations complémentaires (consommation d’eau et d’aliment, énergie, etc.) pour affiner la conduite assistée par intelligence artificielle. Le système de TellCozy est tout aussi utile dans d’autres filières d’élevage, comme le démontre la R & D menée en parallèle par la société dans douze élevages (porc, poulet, dinde, vache laitière).
«Produire autant avec moins »
Par ce développement en élevage, le système devrait prochainement être doté de fonctions nouvelles. Sébastien Brishoual imagine que l’intelligence artificielle pourrait « demain calculer le morphotype de l’animal en fin de croissance pour décider qui peut partir (à l’abattoir) », dit-il. Aujourd’hui, l’éleveur devrait, dit-il, pouvoir baisser le niveau d’énergie dans ses formulations d’aliments (il fabrique la totalité de l’aliment distribué à ses animaux) pour produire autant avec moins
. Jean-Luc Martin prévoit de vendre entre 3 et 4 000 € le package (caméra-capteurs) par salle et de proposer un abonnement mensuel de 45 à 60 € selon les options choisies. Un système de location de matériel devrait également être proposé en guise de test.
Source : https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/lintelligence-artificielle-un-vrai-levier-de-performances-c579a0d4-88d0-11f0-9411-c1126d3d8b0d