Imaginée par un vétérinaire, créée en collaboration avec des spécialistes en analyse d’images, la start-up nantaise AiHerd propose un outil de monitoring visuel du comportement des vaches laitières en temps réel. Après deux ans de développement, elle démarre son aventure commerciale au service des éleveurs.

Les vaches nous informent en permanence. A travers leur posture, leurs mouvements, leur comportement, leur façon de s’alimenter ou de s’abreuver, leur rumination, leur production…, elles révèlent leur état de santé, leur bien-être, leur statut nutritionnel ou sexuel. Un éleveur sait généralement reconnaître et interpréter tous ces « signes de vaches » (1) ; mais il lui est matériellement impossible de les relever en permanence, sur tous ses animaux.

Depuis déjà plusieurs années, des colliers enregistreurs de mouvements, souvent couplées aux données de production laitière, aident les éleveurs à détecter des événements pertinents ou des anomalies chez leurs vaches. Les éleveurs reçoivent alors des alertes, sous forme de chiffres ou de courbes, qu’ils doivent traduire et interpréter, afin d’y apporter la réponse adaptée.

Un monitoring via l’analyse d’images

Toutes ces techniques de monitoring, Quentin Garnier, vétérinaire, les connaît bien. Formé à l’école vétérinaire de Liège, ayant exercé pendant plusieurs années en médecine vétérinaire rurale, spécialiste de la médecine de troupeau, le jeune praticien est aussi un fan d’innovations, de high-tech et d’entrepreneuriat. C’est pourquoi, en 2020, il imagine une solution de suivi des vaches, basée sur l’analyse en temps réel d’images prises par des caméras dans une stabulation. Il nomme son projet, puis l’entreprise qu’il crée dans la foulée, « AiHerd », AI pour Artificial intelligence, intelligence artificielle, et herd, troupeau.

L’idée de mettre des caméras dans les stabulations n’est pas nouvelle, puisque dès les années 1980, les éleveurs surveillaient leurs vêlages depuis leurs téléviseurs. Ce qui est nouveau en revanche, c’est d’y ajouter de l’intelligence artificielle, capable de faire de la reconnaissance d’individus (en l’occurrence d’identifier chaque animal en fonction de son pelage) et de repérer des comportements notables.

Pour développer la solution qu’il a imaginée, Quentin Garnier se rapproche alors du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), qui dispose d’une grande expertise en analyse d’images. Leurs travaux de recherche et développement sont accompagnés par des fonds et dispositifs publics (notamment la Société d’accélération de transfert technologique du Cluster Paris-Saclay) et, en 2021, AiHerd reçoit un prix i-Lab, l’un des prix les plus prestigieux en matière d’innovation. Fin 2021, la start-up est sélectionnée pour faire partie de la 10e promotion du Village by CA Atlantique-Vendée.

Quentin Garnier, vétérinaire et président-fondateur de AiHerd : « Nous aidons les éleveurs à rentrer dans l’ère de l’élevage de précision ».

6 élevages viennent d’acheter la solution Aiherd

En ce début 2022, après deux ans de mise au point, avec non seulement le CEA, mais aussi Oniris-école vétérinaire de Nantes, des laboratoires d’universités belge et néerlandaise, et une équipe interne passée à 10 personnes, AiHerd commence sa vie commerciale : 6 éleveurs laitiers, à la tête de troupeaux allant de 70 à 230 vaches, viennent de s’équiper de sa solution.

« Le dispositif consiste en un ensemble de caméras fixées tous les 15 mètres dans la stabulation, et qui combinent leurs images pour restituer une vue d’ensemble. La solution AiHerd fonctionne dès lors que les animaux passent plus de 50% de leur temps dans la stabulation », décrit Quentin Garnier. « L’avantage des caméras sur les colliers enregistreurs, c’est qu’une fois qu’elles sont installées, il n’y a plus aucune manipulation par l’éleveur ».

Les seules manipulations de l’éleveur se font sur l’ordinateur : attribuer des zones dans sa stabulation (logettes, caillebotis, DAC, zone d’attente du robot…) et définir des règles, par exemple, donner une alerte dès qu’une vache est repérée comme « couchée sur le caillebotis ». Une fois qu’il reçoit cette alerte, l’agriculteur peut avoir accès à la séquence enregistrée et donc décider de l’action à mener.

Pour le paramétrage de la reconnaissance de chaque animal, l’éleveur n’a pas non plus grand chose à faire : cette reconnaissance se fait via la robe de l’animal, par prise d’une photo, au moment de la lecture de sa boucle (par exemple, lors du passage au robot…). Le système AiHerd ne fonctionne donc pour l’instant que sur des vaches à la robe pie…

L’œil augmenté de l’éleveur consiste en une série de caméras en réseau, installées tous les 15 m dans la stabulation.

De la détection des chaleurs à l’évaluation des interactions avec l’Homme

La liste des fonctionnalités que peut offrir AiHerd est longue : la première est bien sûr la détection des chaleurs, basée sur le niveau d’activité de l’animal mais aussi sur toutes les interactions. « Nous arriverons à un niveau de détection équivalent à celui d’un dosage hormonal », explique Quentin Garnier.

Les algorithmes appliqués aux images sont également en mesure de détecter des boiteries, souvent très précocement : dès qu’une vache a mal, son comportement et sa cinématique sont modifiés et le système le détecte. Idem en cas de mammite : la vache aura un comportement de couchage modifié, avec changement fréquent de position, qui pourra donner lieu à une alerte et donc à un traitement plus précoce et moins coûteux.

« Nous sommes également en mesure d’établir un squelette virtuel de l’animal et de donner un score corporel à chaque animal », poursuit Quentin Garnier. Le système peut aussi suivre les activités d’alimentation, attribuer un budget temps à chaque bête (temps passé dans la journée à s’alimenter, à ruminer, à se déplacer…), établir un historique de ses activités, mesurer ses interactions avec les congénères, ou encore définir des statistiques d’occupation des lieux. Plus « fort encore », AiHerd peut aussi mesurer les interactions entre les animaux et les humains (même si, pour respecter le Droit, le système ne comporte pas de reconnaissance faciale) ; en évaluant les comportements et les distances de fuites des animaux, le système peut donner des indicateurs objectifs sur la qualité des interactions et donc sur le bien-être animal en stabulation.

Le système peut être utilisé pour échanger des séquences d’images avec un vétérinaire, un conseiller d’élevage, un équipementier de stabulation… « Mais c’est l’éleveur qui le décide. Il reste d’ailleurs propriétaire de toutes les données recueillies », précise Quentin Garnier.

Première fonctionnalité recherchée par les éleveurs : la détection des chaleurs.

Pour les mêmes fonctionnalités (activité et détection des chaleurs), le prix du système AiHerd est le même que celui des colliers :  40 euros/an/vache (location et entretien du matériel compris). Pour avoir accès aux fonctionnalités étendues, autour des différentes pathologies notamment, il en coûte quelques euros de plus par vache et par an. Des coûts qui seront largement compensés, selon Quentin Garnier, par les gains de productivité des élevages.

(1) Signes de vaches est une méthode d’observation des vaches par l’éleveur, mise au point par Jan Hulsen, vétérinaire hollandais. Cette méthode, déclinée dans plusieurs ouvrages (Signes de vaches, Signes de génisses, Signes de boiteries…), est pratiquée par de nombreux éleveurs.

SOURCE : https://www.pleinchamp.com/actualite/aiherd-l-aeil-augmente-de-l-eleveur

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