Depuis quelques années, la robotique a fait son entrée dans les blocs chirurgicaux de nos hôpitaux. Elle ne remplace pas le chirurgien, mais l’assiste pour une action mini-invasive ou pour réaliser un geste très précis.
Le professeur Nguyen Tran, directeur de l’École de chirurgie de Nancy, fait partie de ces infatigables défricheurs. Il est de ceux qui partent à la conquête de nouveaux territoires.
Il a imaginé avec d’autres la toute première formation mondiale de chirurgie robotique vétérinaire, en clair, des robots pour assister les chirurgiens qui opèrent nos animaux de compagnie.
Un vent nouveau souffle sur la chirurgie vétérinaireNguyen Tran, co-fondateur de l’École de chirurgie – Hôpital virtuel de Lorraine
» Un vent nouveau souffle sur la chirurgie vétérinaire. L’intérêt porté sur cet outil robotique ne cesse de croître. Dans deux ou trois ans, avec la démocratisation de la robotique, il sera accessible aux vétérinaires », nous indique le Professeur Nguyen Tran, porteur du projet du futur Centre d’entraînement pratiques avancées vétérinaires (veterinary inovative practices training center, VIP-TC) et cofondateur de l’École de chirurgie – Hôpital virtuel de Lorraine.
Le projet a été initié avec Velvet innovative technologies, jeune entreprise de Nancy, spécialisée dans la recherche et le développement de solutions numériques et dans la formation de chirurgie vétérinaire, l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (AFVAC), mais aussi avec Eric Monnet, professeur de chirurgie vétérinaire américain.
Il s’agit d’une chirurgie d’avenirDr Jérôme Maire, vétérinaire conseil chez Velvet Innovative Technologies
Pour le docteur Jérôme Maire, vétérinaire conseil chez Velvet Innovative Technologies, « il s’agit d’une chirurgie d’avenir. Comme toutes les techniques innovantes, elle se réalisera en médecine vétérinaire à partir du moment où elle sera accessible financièrement. Cela a été le cas pour la célioscopie ou en imagerie avec l’IRM et le scanner« .
La chirurgie robotique vétérinaire a les mêmes avantages que celle pour les humains, et même davantage. La chirurgie mini-invasive trouve tout son sens. Le professeur Tran explique : « Il est difficile de faire comprendre par exemple à un chien qu’après son opération, il ne devra pas bouger pendant quelques jours. Il va vouloir courir, se remettre sur ses quatre pattes. » L’avantage de la robotique est un temps de récupération plus court chez l’animal comme chez les humains.
Il s’agit de se familiariser avec le fonctionnement du robot.Dr Jérôme Maire, vétérinaire conseil chez Velvet Innovative Technologies
Cette toute première formation de chirurgie robotique vétérinaire accueille une dizaine de grands spécialistes, tous américains et ce n’est pas un hasard. Si la France est à la pointe dans le domaine, en particulier à Nancy, les américains ont les moyens de passer à cette technologie.
La formation qui se déroule du 11 au 15 juillet va leur permettre de se familiariser avec la robotique. » l’équipe de Velvet Innovative Technologies est rodée à la formation à la chirurgie robotique » explique Jérôme Maire, « il s’agit de se familiariser avec le fonctionnement du robot. C’est une technique chirurgicale très particulière. C’est comme si on travaillait sous un microscope. Il faut effectuer des gestes de microchirurgie transposés à taille réelle. Le chirurgien doit travailler avec une caméra. Il doit manipuler ses instruments comme en microchirurgie. Il y a toute une gymnastique et toute une technique de manipulation des instruments à acquérir. Il y a un appareil entre vous et le patient. On peut utiliser le zoom et se balader grâce à la caméra. C’est une façon de travailler différente. Elle est très précise.«
Cette formation utilisera une innovation : un simulateur, un « substitut synthétique organique » précise le professeur Tran. Un faux animal, mais avec toutes les caractéristiques d’un vrai, réalisé par un professionnel des effets spéciaux au cinéma.
C’est une autre vison de la formation à la chirurgie robotique. L’idée est aussi de ne pas utiliser de vrais animauxNguyen TRAN, co-fondateur de l’École de chirurgie – Hôpital Virtuel de Lorraine
« C’est une autre vison de la formation à la chirurgie robotique. L’idée est aussi de ne pas utiliser de vrais animaux« . Il faut dire que l’École de chirurgie est dotée à la fois de robots, mais aussi de patients virtuels, de mannequins connectés. Il est possible de reproduire virtuellement un environnement très particulier d’un patient pour tester différentes options et se préparer ainsi à une intervention la plus précise possible. À Nancy, se trouve aussi l’hôpital virtuel, un lieu unique en France de formation de personnel médical grâce à des outils très innovants.
Pour l’instant cette chirurgie robotique vétérinaire est adaptée à animal de plus de cinq kilos. Les chiens sont principalement concernés. Pour le docteur Maire, c’est plus compliqué à imaginer sur un chat. En revanche, le cheval pourrait, un jour sans doute aussi, bénéficier de cette technologie.
Le docteur Maire prend l’exemple de la prostatectomie : « Chez le chien, la pathologie est moins développée que chez l’humain, mais elle existe. Le risque principal avec la chirurgie classique chez le chien est l’incontinence. La chirurgie robotique permet de préserver les faisceaux neurovasculaires, en particulier les faisceaux nerveux qui régissent l’incontinence. Ce qui change tout pour le bien-être de l’animal. Ce serait un véritable progrès. On peut imaginer d’autres indications.«
Pour le professeur Nguyen Tran, il y a tout un territoire à explorer. « Dans le Grand Est, nous avons la chance d’avoir deux structures de formations chirurgicales humaines de très haut niveau. L’Ircad à Strasbourg et l’École de chirurgie à Nancy. On peut maintenant y ajouter en matière de chirurgie vétérinaire, le Centre d’entrainement aux pratiques avancées vétérinaires ». Le territoire, à explorer, est aussi économique : « le monde vétérinaire n’est plus un marché de niche. Il est en plein essor. Il est résilient à toutes les crises.«
Le monde vétérinaire n’est plus un marché de niche. Il est en plein essorNguyen Tran, co-fondateur de l’École de chirurgie – Hôpital Virtuel de Lorraine
L’objectif de cette formation est double : « tester au niveau international la formation. On voit que les Américains sont déjà très intéressés. Tous les inscrits viendront des États-Unis. Le second objectif est de se passer des animaux dans les formations. C’est l’occasion de tester nos substituts synthétiques et organiques. C’est une vision moderne de la formation. Le numérique remplacera les animaux. On a une capacité intellectuelle et même industrielle pour fabriquer des objets en 3D. Utilisons la pour créer une autre vision de la formation en chirurgie. Cela permet de créer aussi d’autres emplois : ingénieurs, programmeurs. On est dans une révolution numérique. Il faut l’utiliser. »
Cette formation aura lieu, du 11 au 15 juillet 2022 à l’Ecole de chirurgie de Nancy en attendant les locaux du Centre d’entraînement aux pratiques avancées vétérinaires (veterinary inovative practices training Center, VIP-TC), un plateau technique de 1.000 m2 qui sera implanté à Pixérécourt en Meurthe-et-Moselle en 2023.