La ferme des moulins de Kerollet teste le système AIHerd, un dispositif de surveillance et de monitoring basé sur la vidéo et l’intelligence artificielle, sans capteur sur les animaux.
Devant son écran, Erwan Calle, l’un des trois associés de l’élevage a une vision sur tous ses animaux grâce à la vidéosurveillance installée dans la stabulation. L’élevage comprend un troupeau de 250 vaches laitières pour 270 hectares de SAU. La traite et l’alimentation sont robotisées. « En juin 2021, nous avons installé des caméras dans la stabulation. Il s’agissait à l’époque d’analyser le comportement des vaches vis-à-vis du stress thermique car nous testions des matelas à eau », se souvient l’éleveur basé à Arzal dans le Morbihan.
Pas de capteurs sur l’animal
Aujourd’hui, les associés de l’élevage vont plus loin grâce au système AIHerd qui signifie Artificial intelligence (intelligence artificielle) et herd (troupeau). Il s’agit d’une solution de monitoring du troupeau de nouvelle génération. Il n’y a pas de capteurs sur l’animal. Le comportement des animaux est analysé par des caméras assistées par de l’intelligence artificielle.
L’objectif est de surveiller et d’alerter l’éleveur en cas d’événements en lien avec la reproduction (vêlage, chaleurs) ou des pathologies (mammite, boiterie). Un ensemble de caméras permet d’identifier et de suivre les animaux 24 heures sur 24, tandis qu’une intelligence artificielle analyse toutes les informations (identité, posture, comportement, budget temps…) en temps réel pour identifier les évènements majeurs de la vie du troupeau.
Un retour visuel
Le gros intérêt de l’outil est de permettre de contextualiser grâce à l’image. Où sont les vaches ? Sont-elles debout ou couchées ? Combien de temps passent-elles à manger, à boire, à ruminer ? Quelles sont les interactions entre elles ? « Tous ces éléments paraissent anodins, mais ils permettent d’aller plus loin dans l’analyse par rapport à de simples colliers », indique Quentin Garnier, vétérinaire de formation, créateur de AIHerd. « Une vache qui est couchée dans une logette ce n’est pas la même chose qu’une vache couchée dans le couloir de raclage. »
Le flux de données est plus important. On ne constate pas seulement une augmentation de l’activité, mais on détermine la nature de cette activité. Par exemple, les coups de mâchoire en cas de rumination. Une mammite va induire un changement de comportement avec une vache qui se lève et se couche plus souvent. Cela permettra d’anticiper l’inflammation avant même qu’elle ne soit détectée par l’analyseur du robot de traite. Avoir plus de données à analyser permet d’obtenir des alertes plus précoces.
Reconnaissance des taches de l’animal
Concrètement, sur la ferme de Kerollet, le bâtiment est équipé de 12 caméras dont 2 dans le box vêlage. À l’installation, il est réalisé un plan 3 D de la stabulation quadrillé en zone. La reconnaissance de l’animal se fait grâce à ses tâches. La caméra détecte les différentes parties de l’individu pour recréer un squelette virtuel et est capable de reconnaître l’activité en cours (couchée, debout…).
« Je suis le seul à gérer en continu le troupeau, explique Erwan. Je connais bien mes vaches et leurs habitudes. C’est plus compliqué pour des remplaçants qui interviennent ponctuellement ou pour mes deux associés qui ne prennent le relais que le week-end, toutes les 3 semaines. Ils peuvent passer à côté d’un problème. Grâce à l’outil, on peut taper le numéro de la vache pour géolocaliser tout de suite un individu qui a été détecté à problème. »
Avec les fonctionnalités qui vont se déployer à partir de septembre, l’éleveur sera informé des événements grâce à des alertes sur smartphone. Il aura la possibilité de contrôler via des extraits vidéos.
Des économies sur les colliers
« L’idée à terme est de garder les colliers pour l’identification au robot, mais de ne pas reprendre les options qui seront détectées par l’intelligence artificielle, et ainsi faire l’économie du renouvellement des colliers », précise Erwan Calle. La limite du système est qu’il est adapté aux animaux qui sortent peu du bâtiment. « Les vaches doivent passer au moins 50 % de leur temps en stabulation pour que l’outil soit opérationnel », confirme Quentin Garnier.
Le dispositif nécessite l’achat de caméras pour un coût moyen de 100 euros par vache laitière. Ensuite AIHerd vend ses services par abonnement. L’abonnement « chaleur » coûte 2 euros par vache et par mois. La société va progressivement développer les autres fonctionnalités (vêlage, boiterie, mammite) disponibles pour quelques euros de plus dès l’automne. Elle proposera des packages par exemple pour la reproduction incluant chaleurs et vêlage (20 euros par vache et par an). La vidéosurveillance classique et les statistiques restent quant à elles gratuites. L’accès au service est donné à l’éleveur qui peut ensuite autoriser l’accès à ses partenaires (vétérinaire, conseiller d’élevage) gratuitement. Le système est actuellement testé dans une vingtaine d’élevages en France, Belgique et aux Pays-Bas