Pour la 2eme année consécutive, l’Université d’été de la e-santé accueillait le 6 Juillet à Castres, 2 sessions consacrées à la e-santé animale.
Castres : une université d’été pour « numérique et santé animale »
Les enjeux du digital et l’apport du numérique dans la santé animale :
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Pourquoi le digital va modifier l’écosystème de la santé animale dans les prochaines années ?
Cette année , le programme Santé Animale mettait en avant les apports du numérique sur la santé des animaux et leurs conséquences. Des progrès ont déjà été réalisés grâce à des solutions digitales originales et innovantes , mais ce n’est que le début ; ce marché émerge à peine et il va bouleverser les rapports existants entre les professionnels de la santé animale , les animaux et leurs propriétaires .
Comme en 2016, l’élaboration du programme, le choix des intervenants et l’organisation avait été confiée par la technopole de Castres Mazamet à Annick VALENTIN-SMITH, vétérinaire et titulaire d’un MBA digital. Cette réunion se voulait ouverte à tous les acteurs de ce nouveau monde et a abordé les solutions développées dans toutes les espèces : animaux de rente, chevaux, animaux de compagnie. La réunion a permis de confronter le point de vue de la grande majorité des acteurs de cette « révolution » numérique, puisqu’étaient représentés les éleveurs/ propriétaires, les vétérinaires, les laboratoires vétérinaires et les pet-fooders sans oublier bien entendu, les start-ups.
Comme en 2016, Lionel REICHARDT ( plus connu sous le nom de « Pharmageek ») et Annick VALENTIN-SMITH ont co-animé cette journée. Une nouveauté : plusieurs start-ups françaises (Catspad, Askovet, Jagger & Lewis) ont pu profiter de cette réunion pour présenter leurs solutions grâce à un clip vidéo réalisé pour cette occasion. Dans la salle, une petite centaine de participants étaient venus de tous les horizons : spécialistes de la e-santé humaine, vétérinaires libéraux, vétérinaires de l’industrie, start-ups, journalistes, étudiants, geeks, propriétaires d’animaux curieux ….La réunion a été reprise en direct sur Twitter par de nombreux participants.
En introduction, Madeleine LESAGE docteur vétérinaire, chargée de missions au centre études et prospective du Ministère de l’Agriculture, est revenue sur la relation homme – animal et son évolution depuis l’enclenchement du processus de domestication. La « question animale » gagne aujourd’hui en médiatisation et en visibilité, mais reste encore débatue entre diverses approches et son devenir est incertain, puisque soumis aux aléas sociologiques et économiques . Sa gestion sera-t-elle pacifiée ou conflictuelle ? Ces différents aspects ont été présentés avant la découverte des cinq scénarios prospectifs imaginés par le groupe de travail pour les quinze prochaines années.
- Un rapport économe à l’animal
- L’animal intégré
- Les animaux comme variable d’ajustement
- L’animal idéalisé et exfiltré
- Une question animale éclatée
On peut remarquer que seul le scénario 2 envisage un avenir où les animaux sont plus présents, plus nombreux, plus visibles et interagissent avec l’homme, sans conflits croissants Ces scénarios ont été récemment publiés dans Le rapport homme-animal : cinq scénarios à l’horizon 2030, Analyse n° 95, novembre 2016, http://www.agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/analyse951611.pdf
Pour Jean-Louis HUNAULT, président du SIMV, qui représentait les entreprises du médicament, du diagnostic, des dispositifs et technologies pour la santé animale, les technologies du numérique viennent augmenter les capacités de connaitre, de suivre, d’interpréter et de donc de gérer les données issues des animaux . En passant à un modèle de traitement des données en continu basé sur un triptyque : information (disponible à tous potentiellement)- produits (diagnostic, médicament, dispositif)- services (vétérinaire), il doit en résulter une amélioration de la qualité des soins, une médecine vétérinaire plus prédictive, un meilleur suivi des traitements, des effets indésirables et donc une évaluation en continu des médicaments (pharmacovigilance).
C’est l’entrée dans l’ère de la médecine des 4 P : préventive, prédictive, personnalisée et participative.
Grâce aux capteurs dont il sera équipé, l’animal jusqu’à présent muet va devenir communicant et pouvoir livrer des données objectives à son propriétaire et à son vétérinaire. Par ailleurs, la présence de capteurs dans les élevages va permettre la traçabilité et la transparence que les consommateurs demandent : moins de défiance et plus de confiance dans les méthodes d’élevage.
Pour l’industrie vétérinaire, le numérique modifie profondément et modifiera encore davantage les modèles économiques ainsi que les relations avec les clients.
Face à ces changements majeurs, il est apparu nécessaire que la profession vétérinaire prenne le temps de la réflexion en analysant le contexte dans lequel elle évolue aujourd’hui pour préparer et créer son avenir plutôt que de le subir. C’est ainsi qu’est né en 2016 le projet VETFUTURS porté par le conseil de l’Ordre et le SNVEL.
Denis AVIGNON , Vice -président du CNOV en charge du projet Vetfuturs et en particulier de son volet « révolution numérique » a insisté sur le fait que la profession évolue dans un monde en pleine mutation. Le temps s’est accéléré, les progrès scientifiques et techniques sont foudroyants, les informations arrivent en masse et instantanément. Le vétérinaire fait face à des clients dont les valeurs ont changé. Il doit en permanence adapter son savoir-faire, son savoir être dans un environnement économique instable. L’avenir qui semblait assuré pour des décades il y a vingt ans est désormais beaucoup plus imprévisible et incertain. Des questions se posent à la profession: à qui appartiennent les data ? quid du big data ? et du smart data ? Ubérisation de la profession ? l’intelligence artificielle va-t-elle remplacer le vétérinaire ou peut-elle enrichir le contenu de sa fonction ?
« La question n’est pas, vais-je subir une disruption, mais quand vais-je la subir, sous quelle forme et comment vais-je être affecté ? »
Réponse le 10 Novembre 2017, à Nancy, lors de la présentation des conclusions du Projet Vetfuturs .
Dans les faits, le digital permet déjà d’améliorer significativement la gestion des crises sanitaires , comme l’a bien démontré Bernard VALLAT , vétérinaire et directeur honoraire de l’OIE, dans l’interview qu’il a accordée quelques jours avant l’évènement . Dans le cadre de cette réunion qui rassemblait des acteurs de la santé humaine et de la santé animale , le concept « One Health » a été rappelé , il a permis de parler des zoonoses et de resituer les dangers pour la santé humaine d’une mauvaise maitrise de la santé animale.
L’actualité récente a montré que les crises sanitaires animales sont une menace majeure pour la santé des animaux mais aussi pour la santé humaine. Les solutions digitales ont permis de renforcer les systèmes d’alerte et la gestion des crises sanitaires en permettant la diffusion rapide et large des informations dès la détection d’un foyer suspect. . La détection des foyers est plus précoce, la transmission des données entre les différents maillons de la chaine est plus sûre et plus rapide et la mise en commun des données entre les différents pays et dans les zoonoses récentes entre les instances santé humaine et santé animale (OIE-OMS)
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Comment le digital va modifier l’écosystème de la santé animale dans les prochaines années ?
La session de l’après-midi a été consacrée à un panorama des solutions digitales à vocation santé des animaux . Le premier exemple est celui de l’élevage de précision présenté par Clément Allain , Ingénieur Agronome spécialisé en zootechnie et depuis 2010 chef de projet R&D sur l’élevage de précision à l’Institut de l’Elevage (IDELE).
Digital et santé des bovins
Le concept d’élevage de précision émerge depuis plusieurs années, notamment dans les exploitations bovines. Son développement s’explique par la disponibilité de nouvelles technologies dans les domaines de la microélectronique, de l’informatique , des télécommunications et des nanotechnologies , mais aussi par le besoin des éleveurs d’accroitre la productivité et l’efficience de leurs élevages . L’élevage de précision est utilisé en élevage bovin laitier pour le pilotage de l’alimentation, la détection des troubles infectieux et métaboliques et/ ou la surveillance des évènements liés à la reproduction. Cette intervention a présenté les principales innovations dans ce domaine, les opportunités offertes par ces technologies, mais aussi leurs conséquences sur le métier d’éleveur.
L’élevage bovin laitier est très connecté puisque 70% des éleveurs de vaches laitières sont connectés, 90% des « grosses » exploitations sont connectées . Ce chiffre a doublé depuis 2010. Une enquête réalisée en2015 auprès de 772 éleveurs laitiers a montré que le frein principal à l’adoption de l’élevage de précision est le coût de cet investissement alors que le gain en confort de travail et en confort de vie personnelle sont les principales motivations.
Les résultats sont connus et parlent d’eux-mêmes : pour la détection des chaleurs chez la vache laitière , l’éleveur les détecte dans 50 % des cas , les solutions connectées dans 80% des cas et on arrive à près de 100 % lorsque l’éleveur s’associe aux capteurs .
La limite n’est pas le capteur mais le traitement des données qu’il produit et surtout sa transformation en information pertinente .
Les bénéfices financiers ne sont pas évidents mais ces solutions peuvent permettre que se maintiennent des productions animales et pourraient même rendre le métier d’éleveur plus attractif
Digital et santé des chevaux
La filière équine attire depuis quelques années de nombreuses start-ups , Audrey AUSSIBAL qui dirige depuis 2014 le pôle de compétitivité HIPPOLIA situé à Caen les connait bien puisqu’elle les accompagne et les conseille au quotidien . L’objectif d’HIPPOLIA qui regroupe des entreprises de toutes tailles est de faire de la filière équine française le champion de l’innovation.
Un cardiofréquencemètre embarqué, un livret de santé dématérialisé ou un chatbot vétérinaire, quelle utilité pour un cheval ? La filière équine s’approprie les nouveaux outils du numérique pour améliorer le bien-être, la santé et la performance des équidés. Après un tour d’horizon des solutions en voie de développement, des grandes tendances et des freins au déploiement de la e-santé dans la filière équine, Audrey Aussibal nous a livré les facteurs clés de succès ; ils sont maintenant bien identifiés et les intégrer dès le départ est indispensable : penser usage plutôt que technologie , ne pas oublier les hommes ( propriétaires , vétérinaires … ), intégrer la règlementation et trouver un modèle économique viable . Et surtout, ne pas vouloir faire du cheval un animal bionique !
Digital et santé des animaux de compagnie
Thierry POITTE , vétérinaire praticien dans les cliniques de l’île de Ré, conférencier et consultant dans le domaine de l’Analgésie a fondé le Réseau CAPdouleur (Change Animal Pain) Ce réseau qui regroupe aujourd’hui 143 cliniques et 489 praticiens est un espace communautaire, social et collaboratif, ouvert depuis 2016 aux vétérinaires désireux d’actualiser leur prise en charge de la douleur animale, par des moyens pharmacologiques ou non et des services connectés. Il propose des services qui accompagnent la mutation numérique de la profession vétérinaire et promeut la transversalité avec la médecine humaine et l’interdisciplinarité avec les différentes spécialités vétérinaires. Le Réseau CAPdouleur propose un parcours de formation continue accréditante associant présentiel, distanciel et digital. Le Réseau CAPdouleur souhaite fonder le lien avec l’animal connecté (3.0), sujet de tous les soins attentifs des praticiens connectés en réseau (2.0) Le Réseau CAPdouleur récolte et interprète les données issues de ses web applications et des objets connectés.
Claude ECOCHARD dirige l’équipe Disruptive innovation de Royal Canin, ses années d’expérience en R&D dans l’industrie alimentaire l’aident à repenser le futur de l’écosystème de l’animal de compagnie et à explorer des opportunités pour générer un impact positif sur la vie des animaux de compagnie et de leurs maîtres.
En parallèle du courant d’humanisation du marché des animaux de compagnie se développent un peu partout dans le monde des services concernant la santé et le bien-être. Cette évolution questionne la place que le chat et le chien prennent dans nos sociétés avec la part croissante des soins que leur maîtres leur apportent au-delà de leur alimentation. Ainsi de nouveaux produits et services ( géolocalisation, trackers d’activité, surveillance, gamelles connectées …) font leur apparition aux Etats-Unis, en Europe et en Asie, ce qui participe à la réflexion de la profession vétérinaire sur son futur.
Hervé BASSET responsable digital depuis 2013 de MSD Santé Animale, a clôturé la session de l’après-midi en montrant les conséquences de la « digitalisation » sur les laboratoires vétérinaires, leurs équipes internes et leurs clients vétérinaires. De plus en plus conscients de la digitalisation de la société et de leur environnement, les vétérinaires français abordent désormais plus sereinement la révolution numérique. 55% des vétérinaires ont un site web, 22% une page Facebook. Orienté vers l’innovation et le digital depuis plusieurs années, MSD Santé Animale leur propose une offre digitale de qualité basée essentiellement sur la formation et la communication .
En conclusion, de nouvelles solutions arrivent , les animaux peuvent être équipés de nombreux capteurs qui mesurent leur activité, leur températures et bien d’autres paramètres biologiques ; les données captées vont se transformer grace aux algorithmes en informations pertinentes et vont permettre d’alerter. Des opportunités existent, le marché se développe à grand pas, il y a de fortes attentes, les prix devraient être revus à la baisse, la législation et la réglementation ne sont pas aussi poussées qu’en santé humaine , les données de santé animale ne sont pas soumises aux mêmes contraintes .
Si la demande des propriétaires est forte, l’achat n’est encore que très rare et l’utilisation souvent très limitée dans la durée …..
La caution des vétérinaires serait un levier puissant …
Gadget ou utile ? Il n’en reste pas moins que le premier frein a l’utilisation large de ces solutions reste de très loin leur fiabilité , faut-il une réglementation ? ou des essais cliniques ? un label de qualité ?
Toutes ces questions restent posées , mais des solutions sont déjà trouvées, le digital et la santé animale ont démontré leur synergie !
Rendez-vous début Juillet 2018 à l’Université d’été de la e-santé pour la 3 -ème édition de cette journée e-santé animale . A noter : les inscriptions sont gratuites mais obligatoires !
En attendant, vous pourrez retrouver toutes les interventions dans leur intégralité en vidéo dans quelques semaines sur le site TV-esante.com