Les outils connectés permettent d’améliorer à la fois le bien-être des animaux et les conditions de travail des agriculteurs.

«Grâce aux colliers, je peux savoir à chaque instant où sont mes vaches et comment elles vont. C’est comme si elles avaient une montre connectée», sourit Franck Hornuel. Cet éleveur de vaches laitières à Sommeilles, située dans la Meuse entre Reims et Nancy, n’a pas le profil d’un geek. Mais il est déjà rompu à un certain nombre de nouveaux usages qui se sont développés grâce au recours à l’intelligence artificielle.

Pour lui, cet équipement qui mesure depuis trois ans l’activité de ses vaches, dont le nombre de leurs pas quotidiens, a amené «un vrai changement dans la gestion de mon exploitation.» «Je reçois des SMS réguliers sur l’état de santé des vaches, détaillant par exemple combien de temps elles ruminent ou vont se faire traire. Le système m’indique aussi si elles sont en chaleur, ce qui définit le moment de l’insémination», explique ce représentant de la cinquième génération à la tête de la ferme familiale.

Le matin, toujours sur son smartphone, il voit si les vêlages se sont bien passés la nuit. Et en cas de souci, une alerte l’incite à se rendre sur place immédiatement. «Les colliers, couplés aux données récoltées par le robot de traite, permettent ainsi d’intervenir plus vite et plus tôt. On soigne les vaches davantage de façon préventive en utilisant des plantes au lieu des antibiotiques. C’est de la technique au service de l’équipe», ajoute l’éleveur, désignant à la fois sa centaine de prim’Holstein, au pelage blanc et noir, et ses collaborateurs, un salarié, un apprenti, et, de temps en temps, ses parents.

L’optimisation: la vie facilitée d’un agriculteur

Lorsque ces derniers lui ont cédé les rênes en 2016, Franck Hornuel a d’abord investi dans un robot de traite, déjà avec ce même double objectif que pour les colliers connectés: améliorer à la fois le bien-être des animaux et ses conditions de travail. «Les vaches se font traire quand elles veulent, y compris la nuit, et, puisqu’il n’y a plus d’attente, elles ont moins de problèmes de pattes, décrit-il. Celles qui veulent bouger le font, celles qui veulent se reposer restent couchées. Elles font leur vie.»

Et lui, la sienne, car, outre les vaches, cet agriculteur cultive aussi 196 hectares de blé, de maïs, de luzerne ou encore d’orge.

Du temps de mes parents, c’était plus facile et moins cher de produire. Mon résultat peut varier de 20%, voire de 30% d’une année à l’autre. Il faut donc être le plus efficace possible

Franck Hornuel

«Le contexte a beaucoup changé en quelques années. Du temps de mes parents, c’était plus facile et moins cher de produire. Surtout, je n’ai pas de visibilité sur mon revenu annuel, qui dépend des cours. Mon résultat peut varier de 20%, voire de 30% d’une année à l’autre. Il faut donc être le plus efficace possible, tout en anticipant les défis de demain», estime celui qui a d’abord travaillé quelques années comme responsable d’agence Randstad en région parisienne, avant de revenir au bercail.

Lorsque ces derniers lui ont cédé les rênes en 2016, Franck Hornuel a d’abord investi dans un robot de traite, déjà avec ce même double objectif que pour les colliers connectés: améliorer à la fois le bien-être des animaux et ses conditions de travail. Franck Hornuel

C’est pour cette raison que ce quadragénaire fait appel à des spécialistes. Près de 80.000 éleveurs de vaches, de chèvres ou encore de brebis, soit un éleveur sur deux en France, se font, comme lui, accompagner par quelque 6500 conseillers en élevage pour optimiser la sélection génétique et la nutrition de leurs bêtes, mais aussi la conduite de leurs engins agricoles ou encore l’architecture de leurs bâtiments. Or, une exploitation sur dix, cliente de l’une de ces entreprises de conseil, est aujourd’hui reliée à la plateforme développée par la fédération professionnelle Eliance.

«Sur DataHub 360°, on peut interconnecter différents outils, dont le robot de traite et les colliers de Franck, et ce toutes marques confondues. Les données récoltées sont croisées avec celles d’autres exploitations et également des données externes, comme la météo, pour conseiller au mieux chaque éleveur pour chaque animal», explique Vincent Lefer, responsable du DataLab d’Eliance.

Une qualité de vie surveillée de près

Grâce à l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique («machine learning») pour être exact, la fédération fournit notamment un service de prévision de la production laitière à des organisations de producteurs, qui leur permet de mieux négocier les prix avec les industriels. « Les vaches ne sont pas des pièces, donc les données sont plus fluctuantes que dans l’industrie, mais en raison de son double intérêt, pour les animaux et les éleveurs, l’intelligence artificielle est appelée à se développer», fait valoir le «data analyst».

Les vaches ne sont pas des pièces mais en raison de son double intérêt, pour les animaux et les éleveurs, l’intelligence artificielle est appelée à se développer

Vincent Lefer, responsable du DataLab d’Eliance

Dans l’agriculture, comme dans l’industrie, les solutions d’intelligence artificielle promettent en effet de rendre ces métiers plus attractifs. Que les données soient récoltées et interprétées par des acteurs historiques comme les fabricants de tracteurs, des spécialistes de l’informatique ou bien des start-up comme AiHerd de Nantes, qui installe des caméras dans les étables pour surveiller les troupeaux, elles permettent d’optimiser l’emploi du temps de l’agriculteur, présent sur son exploitation 7 jours sur 7.

«J’arrive à prendre deux semaines de vacances par an, une l’hiver, une l’été. Je vois un autre intérêt de toutes ses technologies, donner une image plus moderne de notre métier, qui est quand même formidable, car on est son propre patron et au contact des animaux et de la nature. Je vois bien que cela attire les jeunes, comme mon fils de 15 ans, qui se pose la question de reprendre ou non l’exploitation. On commence à discuter des chiffres», sourit Franck Hornuel, par ailleurs père de deux filles.

Sa plus grande crainte est, en réalité, la vitesse du changement climatique. «On est loin de la mer ici, les journées sont de plus en plus chaudes. Les vaches sont très sensibles à la température. Quand elles sont en stress thermique, elles se mettent à faire des pompes, à se balancer d’un côté à l’autre», décrit-il. Les colliers permettent là aussi d’intervenir le plus tôt possible pour allumer les ventilateurs et les brumisateurs afin de faire baisser la température ou encore d’adapter les quantités d’eau et la composition de la nourriture. «Quand les vaches sont en forme, tout va bien, souligne Franck Hornuel. Elles font partie de la famille.» Il y a quelques jours, une petite Valentine, car cette année les prénoms commencent par un V, a rejoint le troupeau.

Source : https://www.lefigaro.fr/societes/l-intelligence-artificielle-au-chevet-des-vaches-20240223

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